
#36 La perte de l'acte gratuit | 24/05/2025
Il faut désormais que tout ait un effet. Un projet doit "changer les choses", une action doit "faire une différence", une pensée doit "influencer". L’époque nous pousse à mesurer, à prouver, à rentabiliser le moindre geste. Mais dans cette logique du résultat, quelque chose de précieux s’efface : l’acte gratuit, sans but, sans rendement, sans trace.
Ce que l’on fait juste parce que cela nous élève, nous relie, nous apaise. Un mot offert sans stratégie. Une présence sans ambition. Un regard, un silence, un pas vers l’autre, sans autre but que d’être là. Quand tout devient performance, même la générosité se calcule. Il ne suffit plus d’aimer, il faut que cela se voie. Il ne suffit plus d’agir, il faut que cela se publie. Et peu à peu, le simple geste se vide de sa substance.
Le monde ne manque pas d’actions spectaculaires. Il manque de gestes invisibles. Ces petits actes qui ne changent pas le monde, mais qui changent une journée, une relation, une personne. Ce qui est vraiment fécond ne se mesure pas toujours. C’est parfois ce qui ne laisse aucune trace qui façonne le plus profondément. Rendre à l’acte sa gratuité, c’est lui rendre sa beauté.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#35 L’éthique du progrès inutile | 17/05/2025
On célèbre chaque nouvelle invention comme une victoire. Un pas de plus vers la simplification, la rapidité, l’efficacité. Pourtant, une question reste en suspens : tout progrès est-il nécessaire ? Doit-on créer simplement parce que l’on en a la capacité, sans se demander si cela répond encore à un besoin véritable ?
Une grande partie de ce que l’on appelle aujourd’hui innovation ne sert qu’à remplacer ce qui fonctionne déjà. Ce n’est pas l’absence de solution qui pousse à créer, mais l’obsolescence programmée de nos attentes. Chaque problème résolu en engendre un nouveau, souvent plus artificiel, plus déconnecté du réel.
À force d’avancer sans se retourner, on oublie de demander vers quoi l’on marche. Le progrès, dans sa forme brute, peut devenir une fuite en avant, une quête de mouvement pour éviter l’immobilité intérieure. Créer n’est plus une réponse à une nécessité, mais un réflexe économique.
Et pendant que l’on peaufine des objets toujours plus complexes, on néglige des besoins simples : le lien, le sens, le partage. L’essentiel reste hors champ, dépassé par l’enthousiasme du superflu.
Il ne s’agit pas d’arrêter d’innover, mais de réapprendre à discerner. À se demander si ce que l’on invente nous rend vraiment meilleurs, plus humains, ou simplement plus occupés. Car tout ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#34 La disparition de soi | 10/05/2025
Jamais nous n’avons été aussi visibles. Nos pensées, nos visages, nos choix, nos avis, nos émotions : tout est partagé, archivé, indexé. Chaque instant devient potentiellement public, chaque silence est suspect, chaque retrait est une absence à justifier. Nous sommes là, partout, tout le temps. Mais où sommes-nous vraiment ?
À force d’exister en permanence à travers des écrans, un étrange glissement s’opère : ce n’est plus nous qui parlons, c’est notre image qui parle pour nous. Notre reflet prend la parole, stylisé, corrigé, peaufiné. Et plus il parle, plus notre présence réelle s’amenuise.
Dans cette lumière permanente, il n’y a plus d’ombre où se retrouver. L’intériorité devient une pièce oubliée, inaccessible. On ne disparaît plus pour se recentrer, on se déconnecte par épuisement, temporairement, avant de replonger.
Ce n’est pas la technologie en elle-même qui est en cause, mais la manière dont elle redéfinit ce que signifie "être". Être vu remplace être. Partager remplace comprendre. Réagir remplace ressentir. On s’éloigne lentement de soi, fasciné par ce miroir lumineux qui reflète tout sauf l’essentiel.
Il ne s’agit pas de rejeter la connexion, mais de retrouver la valeur de l’absence, du silence, de l’invisible. Car c’est souvent loin du regard des autres que l’on redevient vraiment quelqu’un.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#33 La bienveillance tyrannique | 03/05/2025
À première vue, la bienveillance est une vertu indiscutable. Elle adoucit les rapports humains, facilite la communication, apaise les tensions. Pourtant, derrière cette façade lumineuse, une forme plus insidieuse de contrôle social peut s’installer : celle qui, sous prétexte de ne froisser personne, finit par interdire toute pensée rugueuse, toute parole discordante. L’attention excessive portée à la sensibilité d’autrui peut devenir un outil de censure douce.
On ne débat plus, on « évite les sujets qui fâchent ». On ne critique plus, on « choisit le silence pour ne pas blesser ». L’espace public se remplit de précautions, de filtres, de tournures aseptisées. La pensée elle-même s’adapte, se refrène, s’auto-modère. Ce n’est pas la violence qui est en cause ici, mais cette érosion subtile de la liberté d’exprimer ce qui dérange.
Philosophiquement, on pourrait y voir une dérive du souci de l’autre : vouloir protéger à tout prix finit par infantiliser, par interdire l’épreuve du désaccord, et par appauvrir l’expérience humaine. La vérité ne fait pas toujours sourire ; elle est parfois inconfortable. Et l’inconfort, loin d’être un danger, est souvent un chemin vers la lucidité.
La bienveillance devrait être une disposition du cœur, non une injonction sociale. Car une société qui ne sait plus entendre ce qui la dérange est une société qui s’endort, doucement, dans une illusion de paix.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#32 La fatigue de l’engagement social | 26/04/2025
Informer, dénoncer, s’indigner, agir… Dans un monde saturé de crises et d’injustices, l’engagement est devenu une injonction permanente. Chaque jour, une nouvelle cause réclame notre attention : conflits, discriminations, crises climatiques… À portée de clic, la souffrance du monde entier s’invite sur nos écrans. Mais face à cette avalanche d’appels à la mobilisation, ne risquons-nous pas l’épuisement émotionnel ?
À force de voir les mêmes problèmes revenir sans solutions concrètes, un sentiment d’impuissance s’installe. Pourquoi s’engager si rien ne change ? Ce découragement peut mener à une forme d’apathie, voire à un rejet pur et simple des luttes sociales, perçues comme trop complexes ou anxiogènes. Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène. Chaque scandale exige une réaction immédiate, et ne pas prendre position est parfois assimilé à une forme de complicité. Pourtant, cette pression constante peut aboutir à une implication superficielle : partager un post, signer une pétition, exprimer son indignation, sans véritable engagement durable.
Alors, comment concilier conscience sociale et équilibre personnel ? Peut-être en acceptant que l’on ne peut pas porter tous les combats à la fois. L’engagement ne doit pas être un fardeau, mais une action réfléchie et durable. Mieux vaut choisir une cause et agir réellement que de s’épuiser à vouloir tout suivre. Car un militant épuisé ne peut plus être un acteur du changement.
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#31 Le retour du tribalisme | 19/04/2025
Jamais l’humanité n’a été aussi connectée, et pourtant, jamais elle ne s’est autant fragmentée. À l’heure où les technologies abolissent les distances et où les cultures se croisent en permanence, un paradoxe se dessine : le repli sur des communautés fermées, le rejet de l’altérité et la montée des tensions identitaires.
Les réseaux sociaux, censés ouvrir les horizons, deviennent des écosystèmes où chacun se regroupe avec ceux qui pensent comme lui. Les algorithmes amplifient ces bulles, réduisant la diversité des points de vue et favorisant la polarisation. Dans ce monde globalisé, l’individu cherche alors à se rattacher à des appartenances plus restreintes : identités nationales, groupes idéologiques, croyances spécifiques.
Politiquement, cela se traduit par le retour des discours protectionnistes et identitaires. Socialement, par la multiplication de conflits entre communautés, qu’il s’agisse de classes sociales, de générations ou d’idéologies opposées. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il se renforce dans un monde où l’incertitude grandit : face à la complexité, le repli sur un « nous » rassurant apparaît comme une réponse instinctive.
Comment dépasser cette tendance ? En cultivant l’esprit critique, en acceptant la nuance et en sortant de nos cercles confortables. Le monde n’a jamais été aussi interconnecté, mais c’est notre capacité à écouter l’autre qui déterminera s’il devient un champ de bataille ou un espace de dialogue.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#30 La responsabilisation toxique de l’individu | 12/04/2025
« Si tu veux, tu peux. » Ce mantra moderne, omniprésent dans le développement personnel et le monde du travail, véhicule une idée séduisante : chacun est maître de son destin. Succès, bien-être, santé mentale… tout ne dépendrait que de notre volonté. Mais derrière cette injonction à l’autonomie, ne cache-t-on pas une pression insidieuse ?
Cette responsabilisation extrême occulte une réalité essentielle : nous ne partons pas tous avec les mêmes cartes en main. Éducation, conditions économiques, environnement social, santé… Autant de facteurs qui influencent nos trajectoires bien plus que la simple motivation individuelle. Pourtant, dans cette vision ultra-méritocratique, l’échec devient une faute personnelle, une incapacité à « penser positivement » ou à « travailler assez dur ».
Ce discours se retrouve partout : dans les injonctions au bien-être, dans l’entrepreneuriat glorifié... Il dédouane aussi les structures collectives de leurs responsabilités. Si chacun est censé se battre seul pour réussir, pourquoi exiger un meilleur accès à l’éducation, à la santé ou à des conditions de travail dignes ? Se responsabiliser est essentiel, mais croire que tout repose uniquement sur la volonté individuelle est un piège. Accepter les limites systémiques n’est pas une excuse pour ne rien faire, mais un appel à repenser les inégalités. La vraie réussite ne devrait pas être un combat solitaire, mais une dynamique collective où chacun a réellement sa chance.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.
#29 La survalorisation du bien-être | 05/04/2025
Dans une société où l’épanouissement individuel est devenu une priorité absolue, la quête du bien-être personnel prend souvent le pas sur l’intérêt collectif. « Prends soin de toi », « Apprends à dire non », « Entoure-toi uniquement de bonnes énergies » : autant de mantras modernes qui prônent l’égo-préservation. Mais jusqu’où cette logique est-elle bénéfique ?
S’il est essentiel de veiller à son équilibre personnel, cette obsession du développement individuel peut mener à un repli sur soi. À force d’éviter tout inconfort et toute contrainte, n’en vient-on pas à fuir les responsabilités collectives ? L’entraide, la solidarité et le compromis, piliers d’une société harmonieuse, deviennent secondaires face à l’impératif du bien-être personnel.
Ce phénomène s’observe particulièrement dans le monde du travail, des relations sociales ou des engagements citoyens. Pourquoi s’investir dans des causes longues et éprouvantes alors qu’on nous incite à préserver notre sérénité ? Pourquoi tolérer des désaccords lorsqu’il est plus simple de couper les ponts avec ceux qui ne partagent pas notre vision ?
Le défi est donc de concilier épanouissement personnel et engagement collectif. Se préserver ne doit pas signifier ignorer l’autre. Car si chacun veille uniquement à son propre bien-être, qui prendra encore la peine de bâtir un monde plus juste ? Le bonheur individuel a du sens lorsqu’il s’intègre dans un bien commun.
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#28 Le business des causes sociales | 30/03/2025
Les causes sociales, autrefois portées par des idéaux sincères, sont aujourd’hui devenues des produits de consommation. L’engagement, autrefois un acte de conviction, s’affiche désormais sur des t-shirts, des hashtags et des campagnes publicitaires savamment orchestrées. Les entreprises, soucieuses de leur image, rivalisent de slogans inclusifs et de messages engagés, mais derrière ces discours, quelle est la réelle intention ?
Le militantisme se transforme en argument marketing. Acheter un vêtement estampillé « éthique » suffit-il à soutenir une cause ? Partager une publication militante nous dispense-t-il d’un engagement réel ? À force de diluer les combats dans la communication de marque, ne risquons-nous pas d’en faire de simples tendances passagères ? Loin de remettre en question l’importance des causes, cette marchandisation interroge leur sincérité et leur efficacité. Un engagement dicté par la recherche de profit peut-il avoir le même impact qu’un combat porté par des convictions profondes ? Lorsqu’une marque défend une cause tout en maintenant des pratiques contraires à son discours, le message perd en crédibilité.
Loin de rejeter tout soutien commercial, il est essentiel de différencier les engagements sincères des opérations opportunistes. La vraie question n’est donc pas de savoir si une cause doit être mise en avant, mais comment elle l’est. Sommes-nous des consommateurs d’engagement ou des acteurs du changement ? L’impact ne se mesure pas en likes ou en ventes, mais en transformations réelles et durables.
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#27 L'illusion du choix | 22/03/2025
Nous vivons dans une ère où l’information est accessible en un clic, où chaque décision, du film à regarder au candidat à élire, semble reposer sur notre libre arbitre. Pourtant, ce choix est-il réellement le nôtre ? À mesure que les algorithmes perfectionnent leur compréhension de nos comportements, ils façonnent subtilement nos décisions.
Nos réseaux sociaux nous présentent des contenus taillés sur mesure, renforçant nos croyances et limitant notre exposition à des idées divergentes. Nos plateformes de streaming anticipent nos envies, nous confortant dans une bulle où l’inattendu devient rare. Même nos achats sont dictés par des recommandations fondées sur des analyses prédictives, influençant nos préférences sans que nous en ayons pleinement conscience.
Ce phénomène s’étend à la sphère politique et sociale : la manière dont nous percevons le monde est filtrée par des systèmes qui privilégient l’émotionnel et l’engagement, amplifiant certaines voix au détriment d’autres. Ainsi, ce que nous pensons choisir librement résulte souvent d’une sélection orchestrée par des forces invisibles. Sommes-nous alors condamnés à suivre un chemin préconçu ? Ou pouvons-nous reprendre le contrôle ? La clé réside peut-être dans la conscience de ces influences : diversifier ses sources d’information, remettre en question l’évidence et cultiver l’esprit critique. Car si le choix absolu est une illusion, la lucidité, elle, reste entre nos mains.
Avec SERUM, ne jugez pas l'autre, comprenez-le.