#42 La morale sans transcendance | 05/07/2025
On ne croit plus comme avant. Les anciens repères se sont effondrés, les certitudes religieuses ont laissé place à des valeurs plus floues, plus discutables. Et pourtant, l’exigence morale demeure. On continue de parler de justice, de respect, de bien commun. Mais d’où viennent ces principes, si rien ne les soutient au-dessus de nous ?

L’époque tente de concilier deux élans : la liberté individuelle absolue et une morale collective exigeante. Chacun est libre de penser, de vivre, de se définir comme il veut… mais en respectant des règles éthiques strictes, parfois mouvantes, souvent tacites.

Cette tension est palpable. Car si plus rien n’est sacré, qu’est-ce qui rend un acte vraiment juste ? Si tout est relatif, comment décider qu’un comportement est inacceptable ? Le danger n’est pas tant l’absence de règles, que leur flottement : elles changent, elles s’adaptent, elles se réécrivent au gré des sensibilités.

Certains y voient une richesse, une forme de maturité morale. D’autres s’inquiètent de cette fragilité : une morale sans fondation commune ne risque-t-elle pas de basculer dans l’arbitraire ou l’opinion dominante ?

Il ne s’agit pas de regretter un passé figé, mais de poser une question essentielle : peut-on encore tracer des lignes, sans horizon supérieur ? Ou devons-nous accepter que la morale soit désormais un langage sans origine, que nous devons réinventer, ensemble, à chaque génération ?
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#41 Le déracinement choisi | 28/06/2025
Longtemps, l’appartenance a été une donnée naturelle : on naissait quelque part, on y restait. Le lieu façonnait l’identité, la langue, les liens. Mais aujourd’hui, certains choisissent l’inverse : partir, circuler, s’éloigner. Ils vivent entre deux pays, trois cultures, sans ancrage fixe, parfois sans même un retour envisagé.

Ce déracinement n’est pas subi, il est voulu. Il ne ressemble pas à l’exil douloureux, mais à une quête. Celle d’une existence plus large que les frontières, d’un « chez soi » disséminé dans les paysages et les langues.

Mais à quoi ressemble une vie sans terre natale stable ? Peut-on se sentir entier sans l’attachement à un lieu, à un sol, à une mémoire géographique partagée ? Ou bien ce détachement est-il la condition d’un regard plus ample, plus souple, capable d’embrasser les différences sans les figer ?

Ceux qui vivent dans ce flottement inventent une autre manière d’habiter le monde. Ils ne s’enracinent pas, ils tissent. Ils construisent leur identité par strates, par rencontres, par fragments. Leur loyauté n’est pas unique, elle est plurielle. Mais cette liberté a un prix : elle expose à la solitude, à l’incompréhension, à l’absence de repères fixes. Et pourtant, elle ouvre aussi un espace nouveau, là où la fidélité ne s’adresse plus à une terre, mais à un mouvement.
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#40 La dépendance au confort | 21/06/2025
Le progrès nous a promis la liberté. Il nous a offert la température idéale, la livraison immédiate, la chaise ergonomique, l’écran tactile, la réduction de l’effort. Et nous avons accepté. Mieux : nous avons intégré cette promesse comme un droit. Il faut que tout soit simple, rapide, accessible. Le moindre frottement devient une anomalie à corriger.

Mais à force de tout lisser, le monde devient une surface sans aspérité. L’effort disparaît, avec lui la satisfaction du dépassement. L’attente s’efface, et avec elle le goût de l’accomplissement. Même la douleur n’a plus sa place : elle doit être supprimée, neutralisée, anesthésiée.

Le confort, au départ bénin, devient alors une norme tyrannique. Il ne soulage plus, il exige. Et ce qui devait libérer finit par enfermer. On ne supporte plus l’inconfort, on fuit l’imprévu, on redoute l’intensité. L’ennui surgit, puis la mollesse, et bientôt l’angoisse d’un monde trop doux pour nous endurcir.

Cette aliénation-là est plus subtile que l’oppression visible. Elle se glisse dans les détails, elle nous convainc que tout ce qui demande un effort est à éviter. Et si l’on réapprenait à ne pas fuir la difficulté ? À redonner une place à l’inconfort, non comme un mal, mais comme une condition naturelle de l’existence.
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#39 Le droit à l’incohérence | 14/06/2025
On attend des individus qu’ils soient logiques, constants, prévisibles. Qu’ils pensent aujourd’hui ce qu’ils pensaient hier, qu’ils agissent comme ils parlent, qu’ils soient fidèles à eux-mêmes, comme si l’humain était une ligne droite. Mais qui peut prétendre à cette pureté de trajectoire sans tricher ?

Il arrive qu’on change d’avis. Qu’on fasse ce qu’on avait juré d’éviter. Qu’on ressente l’inverse de ce que l’on défend. Ce n’est pas une faute, c’est une vérité profonde de l’existence. L’être humain est traversé, agité, influençable, vulnérable aux contradictions du monde et aux siennes.

L’exigence de cohérence permanente devient alors un piège. Elle enferme, elle pousse à masquer ses doutes, à camoufler ses revirements, à étouffer ce qui bouge en nous. Elle valorise l’image d’une stabilité souvent factice, au détriment d’une sincérité mouvante.

Reconnaître qu’on est parfois incohérent, c’est accepter sa propre complexité. C’est faire de la contradiction non pas une faiblesse, mais un espace de recherche, un signe que la pensée continue de se frotter au réel. Peut-être faudrait-il cesser de penser en termes de fidélité rigide à soi-même. Car être fidèle à soi, ce n’est pas rester le même, c’est rester vivant. Et vivre, c’est parfois avancer en zigzaguant.
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#38 Le silence de la résistance | 07/06/2025
Il faut parler. Sur tout, tout le temps. Réagir, commenter, publier, prendre position. Le silence est devenu suspect, assimilé à un manque d'engagement, à de la passivité ou, pire, à de la complicité. Pourtant, dans ce vacarme permanent, se taire peut être un acte profondément vivant.

Il ne s’agit pas de fuir le monde, mais de créer un espace. Un creux dans lequel la pensée peut respirer, où l’émotion peut mûrir sans se réduire à une réaction immédiate. Le silence n’est pas une absence, c’est une présence différemment tenue.

Dans une époque où les mots s’usent à force d’être répétés, partagés, récupérés, certains choix demandent à ne pas être dits tout de suite. Certains élans gagnent à être tus, pour ne pas être déformés. Il y a des vérités qu’on ne peut approcher que dans le calme.

Et puis, il y a cette forme de bruit social qui s’impose comme norme. Ce bavardage collectif, cette panique de l’invisible, qui pousse à combler chaque vide. Le silence devient alors un refus. Une manière d’échapper au réflexe, de refuser la dispersion, d’habiter le temps autrement. Se taire, parfois, c’est choisir de préserver ce qui compte. C’est attendre que les mots retrouvent leur poids. C’est résister à l’érosion de la parole.
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#37 L’inflation de l’identité | 31/05/2025
Jamais l’individu n’a été autant invité à se définir. Nom, genre, origine, préférences, convictions : chaque aspect devient une étiquette à poser, une case à cocher, un récit à stabiliser. On nous demande d’être clairs, cohérents, lisibles. Mais peut-on vraiment se résumer à une identité bien rangée, figée, publiquement affichée ?

À trop vouloir dire qui l’on est, on en oublie parfois de se laisser devenir. Ce besoin de proclamation, si compréhensible face à l’invisibilisation historique de tant de voix, peut, paradoxalement, conduire à une nouvelle forme d’enfermement. Ce que l’on affirme fièrement aujourd’hui devient un territoire qu’il est difficile de quitter demain.

Car l’identité, au fond, n’est pas un socle stable. Elle est mouvement, évolution, contradiction. Elle ne se dit pas, elle se traverse. Elle échappe aux définitions fixes. Elle accepte les flous, les paradoxes, les retournements.

Mais dans un monde qui réclame de la lisibilité et du positionnement constant, la fluidité devient suspecte. On exige que chacun sache exactement "qui il est", sans considérer que cette question peut rester ouverte toute une vie. Et si l’on réapprenait à ne pas toujours se définir ? À être, simplement, sans devoir toujours se revendiquer ? Peut-être retrouverait-on alors cette liberté première : celle d’échapper à toute case, même choisie.
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#36 La perte de l'acte gratuit | 24/05/2025
Il faut désormais que tout ait un effet. Un projet doit "changer les choses", une action doit "faire une différence", une pensée doit "influencer". L’époque nous pousse à mesurer, à prouver, à rentabiliser le moindre geste. Mais dans cette logique du résultat, quelque chose de précieux s’efface : l’acte gratuit, sans but, sans rendement, sans trace.

Ce que l’on fait juste parce que cela nous élève, nous relie, nous apaise. Un mot offert sans stratégie. Une présence sans ambition. Un regard, un silence, un pas vers l’autre, sans autre but que d’être là. Quand tout devient performance, même la générosité se calcule. Il ne suffit plus d’aimer, il faut que cela se voie. Il ne suffit plus d’agir, il faut que cela se publie. Et peu à peu, le simple geste se vide de sa substance.

Le monde ne manque pas d’actions spectaculaires. Il manque de gestes invisibles. Ces petits actes qui ne changent pas le monde, mais qui changent une journée, une relation, une personne. Ce qui est vraiment fécond ne se mesure pas toujours. C’est parfois ce qui ne laisse aucune trace qui façonne le plus profondément. Rendre à l’acte sa gratuité, c’est lui rendre sa beauté.
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#35 L’éthique du progrès inutile | 17/05/2025
On célèbre chaque nouvelle invention comme une victoire. Un pas de plus vers la simplification, la rapidité, l’efficacité. Pourtant, une question reste en suspens : tout progrès est-il nécessaire ? Doit-on créer simplement parce que l’on en a la capacité, sans se demander si cela répond encore à un besoin véritable ?

Une grande partie de ce que l’on appelle aujourd’hui innovation ne sert qu’à remplacer ce qui fonctionne déjà. Ce n’est pas l’absence de solution qui pousse à créer, mais l’obsolescence programmée de nos attentes. Chaque problème résolu en engendre un nouveau, souvent plus artificiel, plus déconnecté du réel.

À force d’avancer sans se retourner, on oublie de demander vers quoi l’on marche. Le progrès, dans sa forme brute, peut devenir une fuite en avant, une quête de mouvement pour éviter l’immobilité intérieure. Créer n’est plus une réponse à une nécessité, mais un réflexe économique.

Et pendant que l’on peaufine des objets toujours plus complexes, on néglige des besoins simples : le lien, le sens, le partage. L’essentiel reste hors champ, dépassé par l’enthousiasme du superflu.

Il ne s’agit pas d’arrêter d’innover, mais de réapprendre à discerner. À se demander si ce que l’on invente nous rend vraiment meilleurs, plus humains, ou simplement plus occupés. Car tout ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable.
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#34 La disparition de soi | 10/05/2025
Jamais nous n’avons été aussi visibles. Nos pensées, nos visages, nos choix, nos avis, nos émotions : tout est partagé, archivé, indexé. Chaque instant devient potentiellement public, chaque silence est suspect, chaque retrait est une absence à justifier. Nous sommes là, partout, tout le temps. Mais où sommes-nous vraiment ?

À force d’exister en permanence à travers des écrans, un étrange glissement s’opère : ce n’est plus nous qui parlons, c’est notre image qui parle pour nous. Notre reflet prend la parole, stylisé, corrigé, peaufiné. Et plus il parle, plus notre présence réelle s’amenuise.

Dans cette lumière permanente, il n’y a plus d’ombre où se retrouver. L’intériorité devient une pièce oubliée, inaccessible. On ne disparaît plus pour se recentrer, on se déconnecte par épuisement, temporairement, avant de replonger.

Ce n’est pas la technologie en elle-même qui est en cause, mais la manière dont elle redéfinit ce que signifie "être". Être vu remplace être. Partager remplace comprendre. Réagir remplace ressentir. On s’éloigne lentement de soi, fasciné par ce miroir lumineux qui reflète tout sauf l’essentiel.

Il ne s’agit pas de rejeter la connexion, mais de retrouver la valeur de l’absence, du silence, de l’invisible. Car c’est souvent loin du regard des autres que l’on redevient vraiment quelqu’un.
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#33 La bienveillance tyrannique | 03/05/2025
À première vue, la bienveillance est une vertu indiscutable. Elle adoucit les rapports humains, facilite la communication, apaise les tensions. Pourtant, derrière cette façade lumineuse, une forme plus insidieuse de contrôle social peut s’installer : celle qui, sous prétexte de ne froisser personne, finit par interdire toute pensée rugueuse, toute parole discordante. L’attention excessive portée à la sensibilité d’autrui peut devenir un outil de censure douce.

On ne débat plus, on « évite les sujets qui fâchent ». On ne critique plus, on « choisit le silence pour ne pas blesser ». L’espace public se remplit de précautions, de filtres, de tournures aseptisées. La pensée elle-même s’adapte, se refrène, s’auto-modère. Ce n’est pas la violence qui est en cause ici, mais cette érosion subtile de la liberté d’exprimer ce qui dérange.

Philosophiquement, on pourrait y voir une dérive du souci de l’autre : vouloir protéger à tout prix finit par infantiliser, par interdire l’épreuve du désaccord, et par appauvrir l’expérience humaine. La vérité ne fait pas toujours sourire ; elle est parfois inconfortable. Et l’inconfort, loin d’être un danger, est souvent un chemin vers la lucidité.

La bienveillance devrait être une disposition du cœur, non une injonction sociale. Car une société qui ne sait plus entendre ce qui la dérange est une société qui s’endort, doucement, dans une illusion de paix.
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